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Toutes les présentations des églises ont été écrites pour le journal du Doyenné entre octobre 2001 et août 2005 par Monsieur Sylvain Deschamps

L’Église St Symphorien de Bunzac.

Façade de l'église de Bunzac

Lundi 12 Avril 2004. A l’intérieur de l’Église .

L’Église Hôtesse : Il est là !..
Le Saint : Bonjour Mr le Chroniqueur !
Le Chroniqueur se retournant, se levant, et s’agenouillant : Bonjour, Cher Saint Symphorien ! Excusez moi, je…
Le Saint : Vous étiez en prières ?
Le Chroniqueur : Pas vraiment, j’étais plutôt en grande concentration…
Le Saint montrant le petit classique Larousse que le chroniqueur tient encore à la main : Vous êtes en bonne compagnie !
Le Chroniqueur : Eh oui… Les oraisons funèbres et sermons de Bossuet. C’est bien le jour. Il y a trois cent ans, le grand Prédicateur montait au Ciel. J’en suis sur. Et il est plus que jamais d’actualité. Nous en reparlerons…
Mais parlons de vous ; et d’abord, bienvenue au Club !
L’Église Hôtesse : C’est une obsession chez lui ! Il vous fait rejoindre la bonne trentaine des Saints Patrons des quarante églises du doyenné.
Le Saint : Me voici également en bonne compagnie.
Le Chroniqueur : Comme tous les autres, de grande ou de petite notoriété, il nous faut vous présenter à nos lecteurs. Et je confie à notre chère Église le soin de lire le texte suivant, vous concernant et vous présentant.
Voici donc Saint Symphorien, extrait de la vie des Saints.

SAINT SYMPHORIEN
I. Valeur de la Passion. Saint Symphorien nous est connu par une Passion fort intéressante, mais qui ne peut pas être considérée comme contemporaine des évènements. Elle pose plusieurs problèmes : quand et par qui fut-elle écrite ? quelle est sa valeur historique ?
La date de composition doit être le troisième quart du Vème siècle, au temps de l’évêque d’Autun Eufrone qui avait édifié une basilique en l’honneur de Saint Symphorien. Quant à l’auteur, il était certainement en rapport avec l’école de Lérins et des rapprochements curieux ont pu faire penser à Fauste de Riez lui même. Quoiqu’il en soit, l’auteur a certainement utilisé des traditions écrites plus anciennes qui tranchent par leur style et leur contenu. On aurait tort d’ailleurs de trop mépriser les additions de l’hagiographe : il connaissait fort bien la religion païenne et les réfutations du culte de Bérécynthe, de Diane et d’Apollon sont très solides. Remarquons qu’il identifie Diane avec le démon de midi. Quant à Bérécynthe, elle n’est autre que Cybèle, qu’on appelait ainsi parce que son culte était né chez les Bérécynthiens en Phrygie. Mais nous n’avons pas à étudier ici la religion païenne et nous ne garderons de la Passion de Saint Symphorien que les parties vraisemblablement anciennes. L’action se déroule normalement suivant la législation romaine, bien que le décret impérial dont le juge demande la lecture soit probablement apocryphe.
II. La Passion. Au temps de la persécution d’Aurélien, vivait à Autun un jeune homme appelé Symphorien, fils du noble Faustus. Il avait reçu une éducation soignée et ses vertus chrétiennes étaient à la hauteur de son instruction profane.
La ville d’Autun était encore presque entièrement païenne et l’on y adorait surtout Cybèle, sous le nom de Bérécynthe, Apollon et Diane. Un jour, Symphorien rencontra une foule de païens qui escortaient la statue de Bérécynthe portée sur un brancard. Il se moqua d’eux, fut arrêté aussitôt et conduit au consulaire Héraclius.
Assis à son tribunal, Héraclius lui demanda son nom et sa condition. « Je suis chrétien et je m’appelle Symphorien », répondit-il.
«Tu es chrétien ? Il me semble que tu t’es caché, car on n’en voit pas beaucoup de cette religion par ici. Pourquoi n’as-tu pas voulu adorer la mère des dieux ? ».
« Parce que je suis chrétien, je te l’ai déjà dit. J’adore le vrai Dieu qui règne dans les cieux ; non seulement je n’adore pas la statue des démons, mais, si tu le permets, je la briserai à coups de marteau ».
« Cet homme n’est pas seulement un sacrilège, c’est un rebelle. Est-il de cette ville ? »
Un officier répondit : « Il est d’ici et même de famille noble.— C’est ce qui te rend si fier, reprit le juge ? Tu ignores peut être les ordres de nos princes. Qu’on les lise. » Un officier lut les décrets de proscription portés contre les chrétiens.
A la fin de cette lecture, le juge ajouta : « Que réponds-tu à cela, Symphorien ? Pouvons-nous repousser ces décrets ? Tu ne peux nier que tu es coupable de deux crimes : le sacrilège envers les dieux et le mépris des lois. Et si tu ne te soumets pas, c’est la mort. »
Le jeune homme répondit :
« Jamais je ne considérerai cette image autrement que comme un piège du démon… »
Le juge, voyant qu’il n’y avait aucun espoir de persuader Symphorien, ordonna aux licteurs de le battre et de l’enfermer dans un cachot. Quand le délai légal fut expiré, il ordonna de l’amener. Le jeune homme avait été affaibli par son séjour en prison, et ses liens ne serraient plus ses bras amaigris.
Le second interrogatoire se déroula comme le premier, et le juge ne put ébranler le courage du martyr ni par les promesses ni par les menaces.
« Je crains le Dieu tout-puissant qui m’a créé, répondit Symphorien, et je ne sers que lui. Pour le moment, tu as puissance sur mon corps, tu n’auras pas mon âme. » Symphorien fut condamné à mourir par le glaive.
Il fut conduit hors de la ville pour être exécuté. Sa mère l’exhortait du haut des murs de la ville : « Mon fils, mon fils Symphorien, souviens-toi du Dieu vivant. Renouvelle ta constance. Nous ne pouvons craindre une mort qui nous conduit sûrement à la vie. Tiens ton cœur haut, mon fils, regarde celui qui règne dans les cieux. Aujourd’hui la vie ne t’est pas enlevée, elle est changée en une meilleure. Aujourd’hui, mon fils, par un heureux échange, tu vas passer à la vie céleste. » Symphorien fut décapité hors de la ville. Des chrétiens enlevèrent son corps et le déposèrent, non loin de là, auprès d’une fontaine.
Un passage doit retenir l’attention : les encouragements de la mère de Symphorien à son fils. Dans un manuscrit du IX ème siècle (Munich 4585), on lit qu’elle parla en langue gauloise, ce qui pourrait indiquer que ce passage fut écrit au temps où l’on comprenait encore le gaulois à Autun : II ème ou III ème siècle, à moins qu’on ait qu’une transposition de II Macc., VII, 21,27. Une phrase devait avoir un grand succès : « la vie ne t’est pas enlevée, elle est changée en une meilleure », vita non tollitur, sed mutatur. Cette formule qui se trouve dans le Liber ordinum et dans le rituel mozarabe, puis dans le sacramentaire gélasien, a été adopté par la liturgie romaine pour la préface des morts.

III. La date du Martyre. D’accord avec tous les manuscrits de la Passion de Saint Symphorien, nous avons écrit en tête du récit : « Au temps de la persécution d’Aurélien… » Où placer Saint Symphorien ? Avouons-le, aucune hypothèse ne s’impose et nous pouvons seulement dire qu’il mourut au II ème ou au III ème siècle, mais pas au IV ème , puisque la persécution de Dioclétien ne s’étendit pas en Gaule. L’époque de Marc-Aurèle n’est pas impossible — Autun n’est pas éloignée de Lyon qui vit ses premiers martyrs en 177 — mais elle n’est pas évidente pour autant.

IV. Le Culte. Depuis une époque très ancienne, on raconte que Saint Symphorien fut mis à mort au nord-ouest de la ville d’Autun, hors de la porte Saint André. En ce lieu, l’évêque Saint Eufrone éleva vers le milieu du V ème siècle une basilique desservie par des clercs réguliers. Au VI ème siècle, ce monastère connut une période de gloire et contribua certainement à l’extension du culte de Saint Symphorien qui, à l’époque mérovingienne, était considéré comme un saint national. Le monastère subit bien des épreuves, mais, desservi par des bénédictins, puis par des chanoines réguliers de Sainte Geneviève, il subsista jusqu’à la Révolution. L’église fut détruite en 1806.
Parmi les très anciens témoins du culte de Saint Symphorien, « gloire d’Autun » d’après Venance Fortunat, nous devons mentionner les églises citées par Grégoire de Tours à Bourges et à Thiers. Son culte se répandit dans toute la France (vingt sept communes portent son nom) et déborda les frontières spécialement vers l’Allemagne.
Saint Symphorien est commémoré dans le martyrologe hiéronymien ; le missel gothique d’origine bourguignonne contient une messe en son honneur.

Chapelle de la Sainte Vierge dans l'église de Bunzac L’Église hôtesse : Tout cela semble bien résumé. Mis à part les fameuses zones d’ombre pour lesquelles notre Saint lèvera les yeux au ciel et évoquera le fameux devoir de réserve, je n’ai rien à ajouter.
Le Saint , prend l’air absent, qu’il accompagne d’un petit sourire.
Le Chroniqueur : Puisqu’il en est ainsi, je vous rappelle que, et pour votre gloire, nous jouons, à chaque église, au jeu policier du Qui, Pourquoi, Comment. Le Qui, c’est vous. En fait, vous apparaissez comme un gentil jeune homme, bon chic, bon genre, élevé douillettement mais à l’esprit mousquetaire ! Vous refusez de vous prosterner devant une image ; c’est très gaulois ! Sans avoir martel au cœur, vous n’étiez pas mal introduit dans la Société. Mais là, pas de mousquetaires amis pour vous sauver… et vous voilà exécuté. Dans votre chère Bourgogne, et dans la chère ville d’Autun, un magnifique tableau d’Ingres dans la cathédrale représente la scène, avec votre chère maman vous exhortant du haut des remparts de la ville. Vous devenez donc un grand Saint bourguignon et le Saint d’une trentaine de paroisses en France. C’est un peu court, jeune homme ! Qui êtes vous donc ?
Le Saint : Case départ.
Le Chroniqueur : Pourquoi cette église vous est elle dédiée ?
Le Saint : Case départ.
Le Chroniqueur : Et comment cette église vous a t-elle été dédiée ?
Le Saint : Case départ.
Le Chroniqueur : Bon. On a envie de jeter le froc aux orties ! Puisque personne ne veut m’aider !...
Le Saint : Ne soyez pas bête ! Contentez vous de « répandre » votre savoir. Plus tard les bibliothèques de Dieu vous seront ouvertes… Si vous le méritez !
Intérieur de l'église de Bunzac Le Chroniqueur : Excusez-moi… un mouvement d’humeur… Parlons plutôt de votre église.
« Aucun texte ne lui attribue de date, mais l’ornementation chargée que l’on constate sur ses parties orientales, ainsi que la décoration de ses chapiteaux, permettent de la dater du dernier tiers du XI ème siècle.
Elle comprend une nef de 15 mètres de longueur sur 7 mètres, sans support pour doubleaux, avec des contreforts de 0,60 mètres sur 0,25, et qui n’a reçu une voûte en briques qu’en 1858 ; deux fenêtres simples l’éclairent au nord et deux au sud. Suit un transept de 16m,70 sur 4m,30, avec croisillons sous berceaux brisés et sans absidioles. Quant au carré, il est couvert d’une coupole, dont les grands arcs sont verticaux ; les pendentifs sont insérés dans l’angle rentrant ainsi formé. Des fenêtres avec colonnettes intérieures sont percées dans les murs. Les chapiteaux sont ornés de rinceaux, de lions grossiers et de feuilles d’eau stylisées. L’abside semi circulaire, de 4m,70 sur 4m,30 de profondeur, à trois fenêtres, porte un cul de four. L’extérieur a été remanié ; la façade a une porte à double voussure. Le clocher carré, au dessus de la coupole, a sa base nue, un étage remanié avec deux baies en plein cintre sur les côtés, et un toit bas à quatre pans. L’abside, mieux conservée, possède des contreforts colonnes surmontés d’un cône, et une corniche, avec modillons décorés comme des abouts de poutre ».
Ce qui frappe dès l’entrée, c’est l’harmonie des proportions. C’est pratiquement un dessin d’église ; et c’est une église cache cache ; on la croie dépourvue de tout ornement mais en arrivant au pied du chœur on trouve à gauche et à droite de jolis éléments de décoration. A gauche une belle statue de Notre Dame des Victoires fait face à droite à une statue de Saint André. Est ce dû au fait que le supplice de Saint Symphorien eut lieu près de la porte Saint André, à Autun ? Et l’ensemble des vitraux, avec des personnages comme Blanche de Castille et Sainte Catherine, répand de fort riches couleurs du 19ème siècle. On trouve aussi deux tableaux du 18ème et un superbe médaillon avec la croix de Jérusalem, c’est à dire quatre croix plus une plus grande. Ce sont les armoiries du cordon du Saint Sépulcre, chargé de la garde d’un morceau de la couronne d’épines de la Sainte Chapelle à Paris. C’est un médaillon d’une grande valeur. Notons enfin que la cloche de 1715 a été refondu un 1894.


Chevet de l'église de Bunzac Le Saint : Vous voyez que vous en savez plus que vous ne pensez !
Le Chroniqueur : hum ! N’épiloguons pas… Ou plutôt si, et pour épiloguer, revenons à Bossuet que je relisais tout à l’heure, dans cette petite église toute simple. J’imaginais l’évêque de Meaux, du temps de sa splendeur tonnant dans ses sermons merveilleusement écrits, en présence du roi tout puissant, contre les excès de la noblesse qui avait été étrillée par Richelieu, roulée dans la farine par Mazarin et finalement sermonné par le grand homme… J’en frémissais et pensais aussi qu’ici même, de petits prêtres locaux avaient su bousculer des hobereaux du coin, sans compter les bourgeois de finance, petits ou grands...
Alors je vais vous confier ce qui me plait ici à Bunzac, dans sa simplicité. C’est le type même d’église où, lorsque l’on se sent un peu déséquilibré de l’intérieur on peut le retrouver, cet équilibre, par quelques minutes de réflexion, en dehors de la prière et avec un petit coup de Bossuet.
Et là dessus je vous prie de me croire, cher Saint Symphorien, votre très humble et très obéissant serviteur.

Sylvain Deschamps




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