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Toutes les présentations des églises ont été écrites pour le journal du Doyenné entre octobre 2001 et août 2005 par Monsieur Sylvain Deschamps

L’ÉGLISE SAINT CYBARD DE RIVIERES

ACTE I
La scène se passe sur le banc qui fait face au porche d’entrée.
Le Chroniqueur : Je suis bien heureux de vous revoir, cher Saint Cybard, et bien triste aussi de penser qu’à la fin de cet entretien nous allons nous quitter pour longtemps, très longtemps…
Saint Cybard : Allons ! Voyez le bon côté des choses ! et rappelez vous des bons moments.
Bien sur, à La Rochefoucauld, nous ne nous étions pas rencontrés très longtemps ; mais à la Collégiale, je ne suis pas entièrement chez moi : « Ladies first » et la Vierge Marie avant toutes. Mais tout de même, vous souvenez vous, en Avril dernier, de notre longue et amicale promenade depuis « MA » Grotte au Jardin Vert d’Angoulême jusqu’à l’église de Pranzac ? N’est ce pas un bon souvenir ?
Le Chroniqueur : Si fait, et du reste, à propos de Grotte ?…
Saint Cybard : Oui, et si j’ai tenu à vous rencontrer ici c’est parce que je vais quitter pour longtemps votre région. « On » m’a confié, en haut lieu, la mission de répertorier et de vérifier l’état de toutes les grottes et autres ermitages fréquentés par les Saints, mes collègues. Je penserai du reste bien à vous, spécialement à Mortagne en y retrouvant le souvenir de votre ami Saint Martial.
Le Chroniqueur : Vous avez raison ! Pas de tristesse ! Consacrons nous à votre « dernière » église du Doyenné. C’est vrai que nous terminons en beauté !

Chevet de l'église de Rivières L’Église Hôtesse, intervenant pour la première fois en rougitoussotant ! Hum Hum !
Le Chroniqueur : Allons, pour respecter la timidité de notre hôtesse, parlons d’abord de l’histoire de l’église. « De l’église de Rivières, donnée en 1090 au prieuré Saint Florent de La Rochefoucauld par Adémar, évêque d’Angoulême, il ne subsiste rien. La nef a été reconstruite à la fin du XVème siècle, sans pilastres ni contreforts ; sa voûte en briques date de 1865. Le transept, du dernier tiers du XIIème siècle, possède un carré sous le clocher et un croisillon au Nord, l’autre n’ayant probablement jamais été construit. Le carré est couvert d’une coupole sur trompes, dont la naissance est marquée par un cordon sur les grands arcs latéraux. L’arc ouest, porté par des pilastres très saillants avec colonnes, a trois rouleaux vers la nef et deux à l’opposé. Ceux au Nord et au Sud portent de longs pilastres, renforcés de deux colonnes inégales. Sur le croisillon ouvre une absidiole semi circulaire, sous cul de four, précédée de deux petites colonnes, surmontées aujourd’hui, celle du Nord par un cône, l’autre par un chapiteau. Le chœur rectangulaire se termine par un chevet plat. Des fenêtres sont ouvertes : une sur le mur de fond du croisillon et du chœur et deux dans l’absidiole.


Façade de l'église de Rivières La façade a une porte aux moulures prismatiques, accostées de deux petits pieddroits terminés par un fleuron ; un autre surmonte l’accolade, chargée de crosses et enfermant le cintre brisé ; elle porte cinq corbeaux d’un ancien porche ; au dessus est un cordon que surmonte une baie en tiers-point et un pignon. Des petits contreforts sont plantés près des extrémités du croisillon ; de gros, en équerre, sur les angles du chevet ; ils sont obliques à gauche et à droite de la façade ; quatre colonnes, avec base et socle, renforcent l’absidiole ; leurs chapiteaux, avec des modillons, tous sculptés, supportent la corniche. Au quart supérieur court une moulure, formant bague sur les colonnes. Le clocher rectangulaire, remonté, est terminé sur chaque face par trois pilastres, sur lesquels repose la toiture basse à quatre pans. »
Cette présentation historique est extraite du grand livre « Les Églises de Charente » de Jean George, livre de référence. On peut y ajouter quelques mots ou souligner quelques détails à partir du petit texte offert par les Monuments Historiques. Rappeler qu’au Moyen Age, Rivières était le siège d’un fief qui jusqu’au XVème siècle, appartint à la maison de Crozant, et que l’église du temps d’Adémar passe en 1266 au chapitre de La Rochefoucauld. Précisons aussi :
L’absidiole évoquée plus haut est d’une belle qualité architecturale. D’abord elle est d’un bel appareil régulier, construite en hémicycle et les colonnes contreforts lui donnent un rythme très élégant avec, aux 2/3 de sa hauteur, le cordon qui court et atténue la verticalité créée par l’élan de ces colonnes.
Enfin, de l’endroit où nous sommes, insistons sur cette façade si inhabituelle dans notre région et rappelons pour tous qu’en architecture un corbeau est une grosse pierre ou pièce de bois, ou encore pièce de fer encastrée dans la maçonnerie et mise en saillie comme une console, pour servir de support à une poutre portant les solives.
Pour une fois, commençons donc par faire un tour à l’intérieur. Ce sera vite fait, n’est ce pas, chère Église ?

interieur de l'église de Rivieres L’Église Hôtesse : Hélas oui ! Je n’ai pas grand chose à vous proposer ; l’église est très… dépouillée… Deux tiers seulement d’un chemin de croix pourtant gentillet, une ou deux statuettes même pas accrochées au mur, pas de mobilier, un vitrail correct de Santus Albertus, une plaque mortuaire pour des tombes diverses, une ouverture cache-cache dans le pilier droit pour monter au clocher… et c’est tout… et c’est très peu, avec, tout de même, d’agréables proportions. Il faut, ici, avoir la foi bien chevillée, bien rugueuse… Je suis une église pauvre dans une commune riche…
Le Chroniqueur : C’est assez vrai. Mais encore une fois, et exceptionnellement, l’extérieur semble primer ici. C’est pourquoi, cher Saint Cybard, je vous propose d’aller faire un grand « tourtour » de l’église et nous reviendrons sur ce banc pour un bilan sans doute… original.
Saint Cybard : Je vous suis, ou je vous précède. C’est selon.
L’Église Hôtesse : Et moi, je vous attends !
Un grand moment se passe. Et nous retrouvons nos trois personnages sur le même banc.

ACTE II
Saint Cybard : C’était bien agréable, mais peut être pas aussi surprenant que vous pourriez le penser…
Le Chroniqueur : Oui. Laissez moi vous offrir ce cigare…
Saint Cybard : Toscan !
Le Chroniqueur : Vous l’avez reconnu !
Saint Cybard : Et vous, vous m’avez « deviné » . C’est vrai que lorsque nous nous retrouvons, Saints d’Église et d’expérience entre Sienne et Livourne, mes petits camarades me taquinent sur mon église Toscane de Charente. Mais vous, comment l’avez vous « ressenti » ?
Le Chroniqueur : C’est un secret de polichinelle… Ici tout le monde connaît le paysage toscan de Rivières, l’église toscane de Rivières, etc.. Car, ici, nous sommes à Rivières… Bien sur, pas d’oliviers, pas de vigne (oh ! le vin de Montepulciano), mais enfin les céréales et le bétail n’ont rien à y envier. Mais ce qui nous réunit c’est ce paysage d’équilibre, aux molles ondulations fixées par les verticales des cyprès… Et puis peut être que la terre de Toscane y est encore plus belle que la nôtre (et encore) mais il est sur que la luminosité du ciel de Charente est pour le moins égale à celle de Florence (et encore). Conclusion de tout cela : L’église de Rivières est une église extérieure ! C’est simple, mais il fallait y penser ! C’est même une église dangereuse… Mais si… que l’on vienne du Nord Ouest (Agris) ou du Sud Est (La Rochefoucauld) la découverte de l’église vous fait oublier l’arrière circulation. Évidemment le mieux est d’arriver de l’Est, en remontant de l’étang et en longeant le cimetière… là, c’est la progression des arrêts photos, la montée vers le Beau…
L’équilibre de ce bâtiment, la rectitude de ses lignes, son côté défense Moyen Age compensé par la grâce de cette façade gothique flamboyant devant nous renforce cette idée… C’est une église d’extérieur.
Voûte du clocher de l'eglise de Rivieres Chère Église Hôtesse, c’est à vous de jouer maintenant pour qu’on retrouve le chemin de votre petit intérieur. Il faut vous « remplumer » un peu, pour qu’on termine à l’intérieur. Mais je me demande s’il ne faudrait pas, dès maintenant, faire un circuit des points de vue sur l’église de Rivières !
Et puis, Cher Saint Cybard, penchez vous un peu à droite et regardez là haut : les mêmes angles bruts, presque la même couleur de pierre, la même toiture mais c’est… mais c’est … mais non, pas le presbytère ! C’est la Mairie ! Union Sacrée du paysage… Union récente du patrimoine… C’est très beau !
Allons, cher Saint Cybard, je tiens à vous remercier particulièrement, alors que cette étude des églises de Tardoire et Bandiat arrive au début de la fin. Vous êtes vraiment le Saint des deux rivières ; les pieds dans l’eau du Bandiat à Pranzac, dans l’eau de la Tardoire à La Rochefoucauld et ici, l’œil ouvert sur les étranges noces des deux rivières, avec leurs volte faces : Je t’aime moi non plus vers Agris et La Rochette…
Personnellement je vais tout faire pour que notre chère Église Hôtesse soit un peu mieux… meublée !
Et puis je vais rêver de Toscane : J’ai tout ce qu’il me faut… sous les yeux.
Et vous, cher Saint Cybard ?
Saint Cybard : Je vais où Dieu m’appelle.
Le Chroniqueur : Comme livre de route, je vous offre ce livre de Curzio Malaparte : « Ces sacrés Toscans », dont je cite à nos lecteurs cet extrait concernant la TERRE :
« Il suffit de la toucher pour sentir que notre terre est pleine de bulles d’air ; certains jours, elle se gonfle et lève et l’on dirait que d’un moment à l’autre des formes de pain vont en sortir. C’est une matière légère et pure, propre à faire des statues et des hommes. C’est de cette glèbe que fut certainement pétri le premier homme, cet Adam qui, avant le péché, était une mixture d’air et de terre, et ne devint de chair qu’après son étrange erreur. »
Saint Cybard : Merci pour le cadeau. Malaparte a tellement de talent qu’on peut lui pardonner certaines approximations ! Et maintenant, cher chroniqueur je dois vous quitter et, pour vous faire plaisir je vous citerai ce vers, extrait du dernier spectacle avant sa mort, de Thierry Le Luron, qui avait un talent fou :
Je vous reverrai un jour ou l’autre.
Si Dieu le veut.
Le Chroniqueur : Et Le Luron redoublait :
Je vous reverrai un jour ou l’autre.
J’y tiens beaucoup.

Sylvain Deschamps.

P.S. Curzio Malaparte, même si l’homme ne fut peut être pas toujours à la hauteur de son personnage, reste un écrivain de génie, dont toutes les œuvres ont été traduites en Français et dont tous les livres principaux sont été publiés en Livre de Poche.


Carte de la paroisse Saint Augustin en Tardoire et Bandiat

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