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Toutes les présentations des églises ont été écrites pour le journal du Doyenné entre octobre 2001 et août 2005 par Monsieur Sylvain Deschamps

L’ÉGLISE DE ROUZEDE.

Façade de l'église de Rouzède

La scène se passe devant l’entrée de l’église de Rouzède, par une belle fin de matinée d’automne.
L’Église (un peu froide) Ah ! bonjour... Mr le chroniqueur. Alors, vous avez fini votre parcours ?
Le Chroniqueur : ? ! ? !
L’Église : Eh oui ! Votre parcours de golf ! bien sûr ! Rouzède ne bruit que de La Prèze... et j’avoue que lorsque je lis dans le journal que La Prèze pourrait devenir la Mecque... (du golf), je me sens devenir très chrétiennement jalouse !...
Le Chroniqueur : Allons ! détendez vous ! Cet aimable divertissement anglo-saxon ne saurait certes vous apporter un seul nouveau paroissien (encore que... ) mais prenez le sous une aile bienveillante et pour vous divertir, un jour de coquinerie intellectuelle, imposez leur un « Tournoi de L’Église ! »
Pour moi, le golf à neuf trous me fait penser aux neufs clochers de la paroisse de Montbron, et celui à dix huit trous me permettra d’y ajouter ceux de la paroisse de Montembœuf, si proche géographiquement, et si chère affectivement.
L’Église : Vous avez sans doute raison. N’en parlons plus et intéressons nous à quelque chose de plus important : Moi, par exemple.
Le Chroniqueur : Holà ! Orgueil ou vanité ?
L’Église : Brisons là ! Alors que dans les autres églises, vous avez toujours le Saint Patron pour vous accueillir, ici, je dois faire toute seule, car vous pensez bien que la Sainte Vierge...
Le Chroniqueur, l’interrompant... est suffisamment occupée en ce mois de Décembre, alors que l’on va célébrer la naissance de Jésus, pour ne pas participer à notre rendez vous.
Alors, si vous le permettez, je vais parler pour vous, et vous pourrez m’interrompre à l’occasion.
Ab imo pectore ?
L’Église : Ab imo pectore !


Le Chroniqueur : Vous êtes une gamine romane du XI ème et XII ème siècle
A cette époque, vous étiez déjà une église particulière, peut être une église à histoires...
On aurait pu vous appeler Notre Dame des Roseaux, puisque votre nom original de Rosal voulait dire roseau, et il est pour le moins curieux que ces roseaux poussaient sur le point le plus élevé de la région (puisque déjà « l’Arbre », dépendant de Rouzède, culminait à 345 mètres). Vous étiez déjà « originale » mais cela est peut être votre vocation profonde. Nous reviendrons plus tard sur votre agrandissement du 15ème siècle, avec le bas côté sud, mais : commençons par le commencement, et par les généralités.
Vous êtes à la fois l’église du Carrefour et l’église du Marronnier.
- L’Église du Carrefour : Sur l’ensemble du Doyenné, peu d’églises sont au centre, presque giratoire, d’autant de routes... on vient de Brisebois, on vient de l’Arbre via La Grelière, ou via La Sébarie, on vient de Planchas, on vient du Chat via la Godferdamie, on vient d’Écuras en moto cross, et on vient de Montbron par la vallée de La Renaudie, ce que j’ai fait, avec, en poche, du picotin pour Pirate et Rosier... Vous êtes donc l’église d’un grand Carrefour ! même d’un grand « Carrefour des hasards ». Ce livre de Gabriel Chevallier forme avec le premier tome « Les chemins de solitude » un ensemble au titre général « Souvenirs apaisés ». Je ne pense pas que l’auteur avait pensé à l’église de Rouzède... mais je suis sûr que l’église de Rouzède peut, dans son sein d’équilibre, regrouper ces trois titres.
- L’Église du Marronnier : Le Marronnier est presque omniprésent en France, et cette présence bénéfique permet à ceux qui veulent se rencontrer à l’Église, mais n’osent pas le dire, de se donner rendez vous sous le marronnier... et à ceux qui tournicoteraient autour de la Mairie de se donner rendez vous... sous le marronnier ! Arbre d’équilibre !
Intérieur de l'église de Rouzède Jusqu’à maintenant, est ce que cela vous convient, chère Église ?
L’Église, amusée : Je n’avais peut être pas pensé à tout cela... mais continuez.
Le Chroniqueur : Maintenant nous allons vous situer et dans le Temps, et dans l’Espace, et dans l’Histoire.
- Dans le temps : J’ai parlé de votre construction aux XI ème et XII ème siècles, avec un agrandissement, sur le bas côté sud, au XV ème siècle. Jusque là rien de bien original concernant l’extérieur. Mais pour l’intérieur ! Je cite intégralement cette phrase de Jean George, vous concernant dans « Les Églises de Charente », qui est un petit bijou d’hypocrisie : « Récemment, un mur a été monté à l’extrémité de la nef, pour placer un autel moderne, ne laissant qu’un étroit passage vers le chevet où se dresse un beau retable, en bois sculpté et peint, du XVII ème siècle » . Cela veut dire, en Français clair, que le prêtre de l’époque doit, s’il veut saluer son retable laissé dans l’ombre (ce qui ne l’arrange pas) passer par une petite porte, d’autant plus petite que le prêtre est de grande taille ! Bien sur, le mur de la honte disparaîtra (comme, à la longue, tous les murs de la Honte...) mais la blessure restera gravée longtemps, très longtemps...
- Dans l’Espace : Vous vous situez à l’écart de la ligne Peyroux-Orgedeuil-Montbron. Si ces 3 noms font penser au Triangle d’Or, le vôtre ajoute la notion de Carré Magique. Nous savons tous que Peyroux fut le socle de base et que Montbron, actuellement, tient le haut du pavé. Mais si Montbron ronronne de plaisir, si Orgedeuil ne demande qu’à revenir, si Peyroux, la maison mère ne demande qu’à revivre, c’est vous, Rouzède qui gardez une position privilégiée (l’attrait des cimes sans doute !)
- Dans l’Histoire, Rouzède, centre d’Histoire, collectionne les histoires.
- L’histoire du puits, la plus connue. Le puits, à la hauteur de l’ancien presbytère, et derrière l’Église, possède deux manivelles. Pourquoi ? Parce que , au siècle dernier, une rivalité à la Don Camillo-Peppone opposait le Curé et l’Enseignant. Pour résumer, à la suite de longues discussions (qui occupent des pages de délibérés, de conseils municipaux) on n’arriva pas à se mettre d’accord pour la construction d’une pompe commune. Ce qui fait que face à face, nos compères furent condamnés à tirer l’eau chacun pour soi ! La même eau, bien sûr !

L’histoire du dernier curé de Peyroux, dernier publiciste du roseau de Rouzède. L’abbé Denis était un Saint Homme. « Toute la semaine, assis dans un grand fauteuil de châtaignier, il tressait des paniers, avec les minces lanières d’écorce que préparaient ses ouailles : un panier par jour. Au bout de six paniers, le septième jour, il faisait comme le Bon Dieu, il se reposait et allait sonner la messe ». Et comme il était si bon, et comme sa tombe avait été si abîmée plus tard, comme son église, c’est à Rouzède que son culte s’est transmis ! Jolie histoire !
- L’histoire du Canard volé à Rouzède. En 1851, un jeune garçon issu d’une famille tarée-débile avait assommé un canard à Puymiraux et l’avait fourré dans son sac. Dénoncé, l’enfant de dix ans fut condamné à six ans de maison de correction... ce qui est déjà beaucoup. Mais, ce qui inquiète, c’est l’énoncé du jugement : « Il y aurait danger de remettre le prévenu aux mains de sa famille et il convient dans son intérêt et dans celui de la société de le détenir dans une maison de correction pendant un certain nombre d’années... » On dit qu’à Rouzède, tout de même, il y eut beaucoup de demandes de prière d’intercession en sa faveur...
Voilà donc quelques historiettes, entre autres, qui, il n’y a pas si longtemps amusaient encore les Anciens (et les très Anciens) au sortir de l’Église et qui, de nos jours, excitent encore, autour de l’Église, la curiosité des amateurs de rallyes historico-touristiques.
Mais, revenant au présent, voulez vous que je vous indique votre mode d’emploi, ou comment vous visiter ?
L’Église : Avec plaisir... cela m’intéresse !
Le Chroniqueur : Rejoignez, par un beau dimanche, la petite centaine de fidèles qui se pressent à la messe. Pour vous, installez vous à l’arrière gauche, un peu en retrait. Et puis tout en suivant bien sur la célébration laissez vous imprégner, petit à petit, par l’atmosphère de l’Église. Regardez l’harmonie des couleurs, et regardez comme la palette se transforme ! Au début ces couleurs semblent assez vives, contrastées, un peu comme dans les églises espagnoles où les teintes vives s’opposent. Puis, au fur et à mesure, le gris bleu de la voûte s’impose partout, le violent devient doux, et tout se pastellise. Le charme...
Dominant le tout, la Vierge est omniprésente, ou plutôt les Vierges... Car les fidèles relégués sur le bas côté droit (celui du XVème) ne sont pas punis pour autant ; la Vierge qui leur fait face est peut être encore plus belle que l’autre ?
Fonts baptismaux de l'église de Rouzède De plus, au sortir de la Messe, ils sont encore plus prés des admirables fonts baptismaux qui mériteraient, à eux seuls une visite de l’Église.
En fait c’est, comme souvent, une impression d’équilibre qui se dégage de l’ensemble avec de petites originalités par ci par là, comme ces voûtes triangulaires qui séparent la nef du bas côté...
Toutefois, même dans la perspective d’une simple visite de l’Église, il est bon d’assister (et de participer !) à la messe, et à l’emplacement que j’ai indiqué. En effet, et cela est typique « de Rouzède » , il faut admirer la façon dont le retable occupe entièrement le mur du fond. Le prêtre, juste devant, semble être un personnage sculpté, mais animé, qui sort du décor boisé. Ne voyez là aucune impertinence vis à vis de la personne sacerdotale ! Bien au contraire c’est une chance de voir ainsi réunis la statuaire, le prêtre, l’autel comme un cadeau dont profitent les fidèles.
Mais il s’agit là d’une approche personnelle et symbolique que l’on est pas obligé de partager.
En revanche je vous fournis la description sèche, précise et technique du retable :

DESCRIPTION
Retable de l'église de Rouzède Tabernacle en bois doré polychrome, d’époque XVII ème.
Il est composé de 2 volets latéraux avec des bas-reliefs représentant à gauche « Le Christ au Mont des Oliviers » et à droite « La flagellation du Christ ».
De chaque côté de ces volets, trois colonnes (deux torses, à chapiteau corinthien et une droite) et un aileron orné d’une chute de feuillages.
Les volets sont surmontés d’une niche avec culot à tête d’ange et drapé. Deux guirlandes de fruits et de feuillages surmontées d’une tête d’ange encadrent les niches, ainsi que deux ailerons avec volute, fruits et feuillages. Un fronton à tête d’ange et un pot à feux dominent les niches.
Sur la porte du tabernacle est représentée la Crucifixion, surmontée du Saint-Esprit et du Père éternel. A la base, une tête d’ange avec drapé. De chaque côté, deux niches avec coquille et culot à tête d’ange.
Elles sont habitées de statues, à gauche celle de Saint Paul, à droite celle de Saint Pierre.
La monstrance est soutenue dans ses angles par 4 personnages tenant une corne d’abondance. Sur la partie centrale de la corniche figure un personnage portant une banderole. Au centre de la monstrance prend place une vierge à l’enfant assise.
Le tabernacle est coiffé d’un dôme portant un Christ en croix.
Le tabernacle est entièrement doré à la mixtion, sans préparations préalables.
L’Église : Eh bien, il semble que c’est la fin de votre visite. N’avez vous rien oublié ?
Le Chroniqueur : Peste ! Si ! A propos de Peste...
J’allais oublier votre tableau : Saint Roch ! et le succès du culte de Saint Roch est lié à son rôle d’intercesseur efficace contre la Peste ! Et ce tableau est particulièrement complet et touchant. Complet parce que Saint Roch est représenté avec l’Ange, consolateur du malade et soigneur du bubon infectieux et avec son chien qui, littéralement, lui apportait son pain quotidien. Touchant parce que Petiot, le peintre a fait un portrait assez classique du Saint, assez traditionnel de l’Ange mais a fantasmé sur le chien ! Il serait curieux de regarder toute une collection des chiens de Saint Roch (cela ferait une belle collection de canidés...) mais celui de Rouzède est particulièrement attachant, avec son grand chapeau et sa bonne bouille. Une petite fantaisie supplémentaire...
Voilà chère Église, je vais vous quitter, quoiqu’il m’en coûte. Je me sens bien chez vous. Je reviendrai, bien sûr, ne serait ce que pour élucider le mystère des deux pierres tombales du bas côté... Qui en furent les « propriétaires » ? Peut être vais je faire un circuit pédestre. C’est facile, ils sont tous répertoriés sur la place. Vous voyez, on le disait au début : vous êtes au centre de tout !
L’Église, un peu touchée. Allez, reprenez votre bâton de pèlerin. Il y a encore beaucoup d’églises « à faire » dans le doyenné. Bonne route ! Revenez me voir... Je vous garde la maison et je vous garde votre chien !... en pension !

Sylvain DESCHAMPS



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