Toutes les présentations des églises ont été écrites pour le journal du Doyenné Tardoire et Bandiat, entre octobre 2001 et août 2005, par Monsieur Sylvain Deschamps.
L’église Saint Cybard de Pranzac
Un rendez vous au Jardin Vert d’Angoulême, à l’entrée de la Grotte de Saint Cybard, où se retrouvent le Saint, tout ému, et le chroniqueur, tout ému...
Saint Cybard : Bonjour cher ami ! et bravo pour votre ponctualité. Avez vous trouvé aisément ?
Le Chroniqueur : Oui... Il est pourtant facile de se perdre dans le dédale de ces « routinous » jalonnés d’oeuvres d’art modernissimes, dont je pense que la compréhension (faute de lexique) est bien plus difficile que celle du Latin... Enfin, pas de mauvais esprit... Voici une croix de facture traditionnelle, et vous voici, vous.
Saint Cybard : Ne persiflez pas ! Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur la présence de ces statues au long de ce qui est, au fond, un chemin de pèlerinage... Mais cela a permis de nettoyer ce fouillis d’arbres, ce hallier, créés par le temps et la grande tempête, où certaine faune souillait quelque peu la flore.
Avant de faire route pour Pranzac, je tenais à vous rencontrer ici, où j’ai tout de même passé trente neuf ans de ma vie terrestre.
Le Chroniqueur : Oui, et à propos de rencontre...
Saint Cybard : Oui, je sais. Vous voulez vous excuser de ne pas m’avoir contacté pour l’article sur l’église de La Rochefoucauld. Je ne vous en veux pas. Vous n’osiez pas encore prendre ces rendez vous directs. Et puis il était normal que je m’efface un peu devant Notre Dame de l’Assomption.
Le Chroniqueur : Merci pour votre mansuétude et, profitant de cette ouverture, tout en sachant que cela ne vous séduit guère, pouvez vous nous parler un peu de vous ?
Saint Cybard : Je m’y attendais ! Je suis né en 504 à Trémolat, près de Saint Alvère et de Bergerac. Mon nom d’origine est Eparchius. Mon père s’appelait Félix ou Auréolus (un titre de BD pour Goscinny), ma mère Principie. Mais c’est mon aïeul Félicissime, nommé gouverneur de Périgueux par Clovis qui prit le fils de bonne famille que j’étais sous son aile et fit de moi son secrétaire, appelé à une vie brillante alors que je ne pensais qu’à m’adonner au service de Dieu. Je rompis les liens à 33 ans et fus reçu au monastère de Sessac, comme novice. J’y vivais heureux, me livrant aux plus rudes travaux de la campagne, et donnant à la prière la meilleure partie de mes nuits. Sans l’avoir recherchée, mais à la suite de quelques miracles et guérisons, la renommée m’atteignit, me rattrapa et me devança. Pendant cinq ans, j’essayais d’y échapper en parcourant les diocèses de Bordeaux et d’Angoulême. Mais elle m’accompagnait partout... C’est alors que l’évêque Saint Aptone ne me permit pas, amicalement mais fermement, d’aller plus loin ; il me désigna donc cette grotte comme résidence définitive. J’y restai 39 ans, à la suite de l’apparition de Notre Seigneur qui me dit : « Cybard, demeure ici et ne cherche pas d’autre solitude ». Pendant ce temps, quelques clercs se sont attachés à moi et furent mes premiers disciples : Saint Groux que nous pouvons saluer près de Mansle, Saint Amant (le solitaire de la forêt de Boixe) et Saint Astier (tout près d’ici). Dieu me rappela à lui en 581. Et c’est tout...
Le Chroniqueur : Avec votre respect, c’est un peu court et par trop modeste ! N’oubliez pas que pour une fois nous avons beaucoup de textes vous concernant. Votre vie a été écrite par un contemporain, texte parvenu et édité. Grégoire de Tours parle de vous dans son Historia Francorum et plus récemment en 1850, Monseigneur Cousseau, évêque d’Angoulême, a écrit « La vie de Saint Cybard ».
Sachant que nos lecteurs curieux sauront se référer à ces ouvrages, parfaitement lisibles, je n’en ferai que 2 citations :
« C’est alors que commença pour Saint Cybard cette vie extraordinaire qui, durant 39 ans, fut l’admiration de ses contemporains, vie de jeûnes continus, de prières, de pénitences multipliées, et avec cela vie si utile de toutes manières à ses concitoyens ».
« Tout annonçait que Dieu voulait faire du nouveau religieux un de ces hommes providentiels suscités à cette rude époque pour adoucir les mœurs et faire, pour ainsi dire, l’éducation des Francs, nos farouches ancêtres. Il lui mit bientôt en main une puissance capable d’imposer le respect et la soumission même aux esprits les plus rebelles ». (1)
Citons enfin la phrase qui vous résume, et c’est la parole de Saint Jérôme « La foi n’a pas peur de la faim ».
Avant d’aller retrouver votre église préférée ( ?), attardons-nous un peu sur le passé, et ce qui en reste.
L’Abbaye de saint Cybard fut créée en développant le monastère qui s’était élevé au bas de la colline, l’église étant assez grande pour mériter le nom de basilique. Cette magnifique abbaye, dont il ne reste rien, participa aux destinées de la ville et en subit toutes les conséquences : ravagée au IX° siècle par les Normands, au XV° siècle par les anglais, saccagée par les protestants en 1568, et complètement supprimée par la Révolution ! Rien à ajouter ?
Saint Cybard : Non, le cœur me sert... Le paysage lui aussi a été bouleversé... Les guerres, les invasions, les épidémies... Le paysage riant était tout au moins devenu, il n’y a pas si longtemps, industriel et industrieux. Les usines, papeteries, brasseries tournaient à fond et ce faubourg était une vraie richesse. C’était pour moi, à mes pieds et vu de haut, la France d’en bas... Peut-être que les pierres de l’église, encore nombreuses dans les soubassements, aideront à reconstruire un beau panorama ? Sera-ce la magie de Magélis ?
Le Chroniqueur : Reste encore la Grotte ?
Saint Cybard : C’est vrai... Ma chère grotte, assez bien conservée. Bien sûr le plumeau s’impose, ou plutôt le balai pont. Mais, telle qu’elle est, et grâce à Monseigneur Cousseau, elle garde la trace de mon passage. 39 ans...
Allons, laissons la mélancolie pour ce qu’elle est et dirigeons-nous vers Pranzac. Mais ne vous étonnez pas si nous nous arrêtons en route.
Effectivement, premier arrêt après la gare du Queroy sur l’une des buttes d’où l’on distingue Pranzac, tout près.
Saint Cybard : Que je vous explique pourquoi je m’arrête ici, cher chroniqueur. Il y a peu, et dans ce petit périmètre, se côtoyaient 3 lignes de chemin de fer et 4 gares : Le Queroy, la halte de Glanes, Pranzac bourg et St Paul ! Un joli record ferroviaire... On trouvait la ligne de La Rochefoucauld-Limoges, en fait la ligne de mon ami St Martial. Et puis, le « Petit Mairat » qui à partir de Pranzac rejoignait la Charente Limousine de Martial vers Roumazières et, vers Nontron, ma Charente Périgourdine. En fait, ne le répétez pas... Mais c’est moi qui ai soufflé au regretté monsieur Mairat de faire construire cette ligne qui nous permettait, le long d’un axe Bordeaux-Angoulême-Limoges-Roumazières-Nontron-Pranzac-Angoulême de contrôler « notre » territoire ; car si St Martial est l’apôtre du Limousin, je suis le Saint de l’Angoumois. D’autres projets devaient suivre... Qu’en pensez-vous ?
Le Chroniqueur : J’en reste médusé, car, bien sûr, je n’y avait pas pensé !
Il s’arrête un peu plus loin à la Lanterne des Morts.
Saint Cybard : Certes, je me reconnais et j’ai évoqué au passage le souvenir de l’église Sainte Catherine et de l’ancien cimetière, mais cet aménagement, ici, ces jolies plaques indicatrices...
Le Chroniqueur : Je vous explique : à partir d’ici, toutes les richesses du patrimoine de Pranzac sont répertoriées, indiquées, expliquées et fléchées suivant un programme de restauration-visite organisée, avec l’appui amical et efficace de la Municipalité par l’association « Les Secrets de Pranzac », qui fait un travail remarquable. (2)
Et, pour ce qui est de « notre » église , cela me sera difficile d’en parler sans citer ce qui est explicité à l’intérieur.
Saint Cybard : Je m’en réjouis !...
Ils arrivent enfin à l’église.
Saint Cybard : Me voici chez moi et je me réjouis de la voir en si bon état. Mais si je vois bien l’église-monument, l’église personne-hôtesse n’est pas là pour nous accueillir à l’heure prévue ?
Le Chroniqueur : Vous savez, elle est charentaise...
Je vais donc prendre les devants, et avec votre permission, vous présenter « votre » monument.
Elle est assez plate, et même aplatie, mais aussi massive, ce qui est moins péjoratif. On sait qu’elle faisait plus ou moins partie du château dont les ruines moyenâgeuses accentuent le côté robuste. On manque actuellement de recul (les travaux ne sont pas terminés) pour en faire le tour. Plus tard, elle nous apparaîtra certainement plus dégagée, plus église indépendante. Mais, encore une fois, de l’extérieur, seul un expert peut distinguer les deux périodes très différentes, de la construction.
On entre, et tout de suite on est surpris par une clarté inattendue. C’est très surprenant, mais cela s’explique. L’église est un grand rectangle divisé en deux autres rectangles dans le sens de la longueur. Devant vous, côté gauche, c’est l’église du XII° siècle. En avançant, on est dans la nef principale. Trois travées avec voûtes en plein cintre renforcées par des arcs doubleaux. C’est tout simple, mais tout propre. On arrive au chevet en passant sous un arceau surbaissé et le chevet se partage entre deux travées à voûtes d’arête dont les extrémités viennent s’appuyer sur des pilastres et des colonnes ornées de chapiteaux sculptés, alors que la lumière vient par une simple fenêtre à l’orient. Ensuite, à droite, des arceaux sur de gros piliers conduisent à la deuxième nef et à la chapelle renaissance du XVI° siècle. Un petit pas pour 4 siècles d’histoire !...
On y trouve deux travées avec des voûtes à membrure diagonale, et seize nervures qui vont se réunir à plusieurs cul de lampe, chef d’œuvre très rare à la campagne. Ceci remonte à 1555 et à Catherine de Clermont, dame de Pranzac, dont on trouve le blason sculpté aux voûtes de la chapelle.
Cher Saint Cybard, dans l’attente de notre hôtesse, décidément retardée... Cette visite, objectivement froide, vous satisfait-elle, ou désirez-vous une visite plus subjective, affective, même si elle est peut-être un peu irrespectueuse ?...
Saint Cybard, avec un sourire : Dites toujours !
Le Chroniqueur : Voilà. Il faut pour votre église, comme pour les autres, une visite à deux temps. D’abord un parcours comme celui décrit plus haut et ensuite une re-lecture de tout cela en assistant à une messe (exceptionnellement, si vous n’y participez pas vraiment, Dieu vous pardonnera puisque... « c’est pour une œuvre » ) (3). Il y faut de l’humour et de la tendresse.
De l’humour... Avant d’entrer, pensez aux tuiles de la toiture. Rappelez vous qu’une partie vient de l’ancienne église Sainte Catherine, récupérées lors de la démolition, et pensez que dans l’autre sens, c’est Saint Cybard qui aurait coiffé Sainte Catherine...
Choisissez une bonne place (pas automatiquement celle du cancre !) Mettons aux trois quarts gauche, juste sous le tableau (classé) de Saint Cybard. Vous serez sous sa protection. Tout au long des deux nefs, le chemin de croix (dont vous avez l’équivalent à Orgedeuil) vous fait penser à ces assiettes à dessert que l’on ne sortait que pour le gâteau du dimanche et au fond desquelles on retrouvait la gravure attendue...
Comme dans beaucoup de nos églises, des niches dans les murs, niches fontaines, niches cachettes, niches de dévotion, toutes fleuries dont deux sont particulièrement réussies :
- Tout à fait dans le fond de la chapelle, à gauche, une niche porte qui devait donner sur un passage qui conduisait à un oratoire qui conduisait au château, etc.. et gardée par une statuette de Jeanne d’Arc.
- Et puis une niche-blason-écu, à l’envers, type « écu-français moderne » à deux partitions, le 12ème siècle à gauche et le 16ème à droite, juste dans le mur de la travée centrale, là ou l’on franchit quatre siècles d’un pied léger. On peut aussi penser que l’on rappelait aux fidèles que l’on était dans une église commune aux nobles du château et aux paysans des terres... Un blason pour tous...
On peut sourire en regardant le serpent aux pieds de Marie, dans la grande fenêtre du fond : Le reptile est d’un vert, mais d’un vert...
On peut apprécier la luminosité qui vous avait surpris, venant des vitraux de la partie renaissance, refaits à neuf en 2001 avec des nouveaux verres de sept couleurs différentes. On peut aussi s’étonner de l’air farouche qui est le vôtre, Saint Cybard, dans la petite rosace qui vous représente !
Et puis, en plein milieu, une statue de taille moyenne bien proportionnée : le Christ Roi, les bras en croix, offre et présente le Sacré Cœur aux fidèles... Fermez les yeux, rêvez à des voyages passés ou à venir... C’est à la fois le même hiératisme et la même ampleur que dans l’immense statue du Christ Rédempteur, en haut du Corcovado, bénissant la baie de Rio de Janeiro !...
Voilà.. C’est maintenant que vous avez reçu ce « tout petit supplément d’âme » de la chansonnette.
Vous vous rappellerez aussi qu’on pourrait évoquer la Collégiale à quatre stipendies, créée en 1521 par Antoine d’Estaing, évêque d’Angoulême, et qui subsistera pendant 3 siècles. Et on pourra aussi s’étonner que, pour une église de cette importance, il n’y ait plus de prêtre à demeure depuis 1910, pratiquement un siècle...
Cher Saint Cybard, avez vous aimé et me pardonnerez vous cette présentation ?
L’église-hôtesse pas vraiment repentante, mais pleine de charme : Excusez moi, je suis un peu en retard...
Le Chroniqueur : Charentaise !
L’église un peu piquée : Je suis certes votre servante ! Mais, grand Saint Cybard, nous étions les mêmes au temps de Clovis. Nous sommes toujours les mêmes, dans notre Charente que vous avez si fort aimée...
Saint Cybard toujours amusé, toujours attendri : Allons, je vous absous tous les deux !
L’église tire la langue au chroniqueur ; celui ci sourit ; Saint Cybard s’amuse et tous les trois partent en promenade à la recherche des Secrets de Pranzac.
Au retour
Saint Cybard : Avant de vous quitter pour aller saluer Notre Dame de l’Assomption, je vais vous faire un cadeau et même une révélation. Répandez cette bonne parole : Je suis, certes, le Saint de l’Angoumois mais ici je suis surtout le Saint de votre doyenné ! Ne s’appelle-t-il pas Tardoire et Bandiat ? Et quel est le seul Saint à y être représenté dans deux églises « pieds dans l’eau » ? C’est moi, Saint Cybard, à La Rochefoucauld et à Pranzac ! Pensez y !
Saint Cybard va pour partir, mais il prend le chroniqueur à part.
Saint Cybard : Dites moi, vous savez que Saint Martial et moi sommes très amis. Nous n’avons que 300 ans d’écart ! Cette année à l’automne, au moment du Ban des Vendanges, nous allons faire une réunion d’ermites ayant vécu dans une grotte, avec et à Saint Emilion ! Voulez vous faire le quatrième ? Mais attention, ne soyez pas en retard !
Le Chroniqueur : Oh ! Grand Merci ! J’y serai... et à l’heure !
Sylvain Deschamps
(1) Les Secrets de Pranzac « Le Bourg » 16110-Pranzac. Tél.05.45.23.52.61
(2) Les Saints du diocèse d’Angoulême - pages 26 et 28.
(3) Lino Ventura, dans « Les Tontons Flingueurs ».
Nos coordonnées
Prieuré Marie Médiatrice
7, Faubourg Saint Maurice - 16220 Montbron
Tél. : 05 45 70 71 82
Prebytère de La Rochefoucauld
17, place Saint cybard - 16110 La Rochefoucauld
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