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Toutes les présentations des églises ont été écrites pour le journal du Doyenné entre octobre 2001 et août 2005 par Monsieur Sylvain Deschamps

L’ÉGLISE DE RANCOGNE
OU
Récit de l’Ascension d’un Pic pour la visite de SAINT PIERRE

- Le Narrateur-Chroniqueur :
Bien sur, ce n’est pas le Pic du Midi, et ce n’est pas Saint Pierre de Rome !
Mais tout est affaire de proportions, et toutes proportions gardées, le plaisir peut être aussi grand, et le souvenir aussi riche.
Façade de l'église de Rancogne Il y a bien longtemps que je n’étais monté à Rancogne... C’est une église qu’il faut « aller » voir et Dieu sait qu’elle vous appelle, au milieu de la longue ligne droite La Rochefoucauld - Montbron, à bâbord ou à tribord, côté cour ou côté jardin. Sans nous obliger à tourner la tête, elle nous fait signe sur la ligne de crête. Son fin clocher nous attire, dépassant la ligne des tournesols lorsque c’est l’année, ou du colza l’année suivante. Comme relais sur la route, un troupeau de limousines tournent leurs cornes vers le château, vous indiquant la route... Et puis surtout il y a « le » héron automnal dont le long bec (emmanché d’un long cou !) sort des brumes matinales de la vallée. Il est là tous les ans, narguant les chasseurs, et vous rappelant l’endroit où passait la ligne de démarcation, à l’époque où les années vert de gris brillaient moins gaiement que le vert doré de l’échassier.
Et, à cette époque, de là haut, l’église de Rancogne fermait l’œil ou ouvrait les yeux, de jour et de nuit, sur tout ce qui se passait dans la vallée, du trafic médiocre à l’acte héroïque...
Voilà pourquoi, par ce matin de Juin, j’ai tenu la promesse faite à « mon » héron l’automne dernier et j’ai entrepris l’ascension du Pic pour aller retrouver « mon » église.
La Tardoire passée... (on peut bien sur écrire la Tardouère... mais je préfère l’assonance en « oire », si douce à l’oreille)
La Tardoire passée donc,
- on laisse à droite l’entrée des grottes, et c’est l’occasion de rendre un premier hommage à l’Église, puisque ce fut le Père Chabenat, grand carme conventuel de la communauté de La Rochefoucauld, qui les explora pour la première fois en 1784.
- on laisse à gauche le château « moderne » qui n’est pas notre but de visite aujourd’hui, mais dont on doit saluer le donjon et surtout la fuie. Là encore une imagination d’enfant (qu’il faut retrouver) permet de rêver à des centaines de pigeons, qui auraient pu être des pigeons voyageurs, qui auraient pu être des pigeons résistants, qui auraient pu aider le maquis, etc.. etc..
- et on prend le petit chemin sur la droite.
Je l’ai pris ! C’était ce jour là mon chemin de croix individuel..., un peu rude peut être au début mais « ad augusta per angusta » !Le petit chemin ne sent pas la noisette, mais le buis, et aussi mille fleurs sauvages, les grands platanes, les roches et la mousse, toutes sortes de fragrances qui vous aident dans votre grimpette. Un peu plus haut, à main droite, je trouve un joli logis qui embaume un parfum historique de lys et de roses. Et j’aperçois enfin, par touches, les couches successives du chevet de « mon » église qui révèlent progressivement cinq niveaux d’élévation. J’en saurai sans doute plus, un peu plus tard. Enfin, dominant le cimetière « neuf » je la découvre en entier. Impression très curieuse... Petit clocher, petite nef, mais un chevet qui rayonne, se déploie en corolles successives, un peu en queue de paon, en strates successives de tuiles mordorées. Et cette clôture qui ferait penser, malgré l’absence de porte triomphale, à un enclos paroissial breton.
Je me repose sur une pierre tombale. Je souffle un peu, lorsqu’un bruit de clefs... Je reste comme un sage « compos sui » . Je n’en crois pas mes yeux « Hoc erat in votis » car« in limine » m’apparaît...

- Saint Pierre :
Bonjour cher chroniqueur ! Je vous attendais. En tant que spécialiste des épîtres, j’aime votre côté épistolier au service de nos églises pour que celles-ci soient ouvertes. Et, comme vous l’entendez, si j’ai sur moi les clefs du royaume de Dieu, j’aime aussi entendre, sur place, le bruit des clefs des églises qui se ferment et s’ouvrent !
Mais, comme vous vous en doutez, je n’ai pas beaucoup de temps à vous consacrer, et comme notre chère église est d’une timidité excessive, qui la fait rosir comme une truite saumonée de la Tardoire, je vais vous raconter son histoire et vous la présenter. Qu’en pensez vous ?
interieur de l'église de Rancogne - L’Église : Oh oui ! mon bon Saint Pierre !
- Le Chroniqueur : Oh oui ! mon bon Saint Pierre !
- Saint Pierre : (avec un sourire)...
Puisqu’il faut que je fasse tout ici !
Voici donc une église romane, comme il y en a tant dans notre région. Elle remonte sans doute au 12ème siècle « Grammatici certant » , avec un plan en croix latine, des voûtes en berceau divisées par deux arcs doubleaux plein cintre retombant sur une colonne aux trois quarts engagée ; un portail légèrement ogivé ; des colonnettes avec des chapeaux ornés de coquilles ; un chevet incliné à gauche en dehors de l’axe ; et au niveau du transept, deux très beaux arcs en anse de panier.
Pour ce qui est des détails de son histoire, il me faudrait aller chercher dans les très vieilles archives de Saint Pierre, chez moi, à Rome, où nous gardons tous les documents concernant toutes les églises Saint Pierre. Ce serait peut être un peu long... Je me souviens surtout, au 19ème siècle, de l’élévation élégante de son clocher et de la réfection de l’ensemble.
Mais je sais que vous ressentez les églises de façon un peu plus suggestive, et affective. Qu’en pensez vous ?
Voute de l'église de Rancogne - Le Chroniqueur :
Merci Saint Pierre. Vous savez que pour moi « Scribitur ad narrandum, non ad probandum » . Je n’ai pas grand-chose à ajouter, si ce n’est qu’il nous faut, ici, s’imprégner d’un concept : église - château - campagne.
- église de château : une église qui a ses racines aussi profondément implantées dans le roc de Rancogne ne peut qu’avoir servi aux différents châteaux qui se sont ici succédés. C’est une osmose entre les grottes qui ont servi de refuge il y a 13 siècles, le château fortifié dont il reste des ruines (qui font rêver les enfants comme le pigeonnier), le château de Cressiec dont le souvenir se maintient et le château actuel qui est à portée d’arquebuse.
C’est une église de noblesse, de seigneurs, cela peut être l’église du château...
- Mais c’est également l’église du « petit paysan » (on verra cela sur les tombes du cimetière) et cela nous rappelle des rêves de jeunesse, des souvenirs de lecture comme « JACQUOU le CROQUANT ».
Jacquou a certes détesté le comte de Nansac, mais toute sa formation de petit homme, il la doit au chevalier de Galibert et au curé de Fanlac. Pourquoi ne pas évoquer cela à Rancogne ?
Et puis, Saint Pierre je retrouve cette dualité et dedans et dehors.
Dedans :
J’ai retrouvé, et ce fut difficile, des documents attestant que notre église, celle de Rancogne, et sous le nom de Saint Pierre aux liens avait trois chapelles :
- l’une dédiée à Notre Dame
- l’autre à Sainte Catherine, chapelle qui jouxtait l’église et servait spécialement à deux seigneurs de Rancogne.
- la dernière, dédiée à Saint Martin prolongeait l’église après le transept à gauche. Et, de ces trois chapelles, on trouve des traces, des dessins, des murs un peu partout autour du chevet. Alors, un château, deux châteaux, trois châteaux, pourquoi pas ?


Autel de Marie de l'église de Rancogne Et dehors : Le Cimetière, le « vieux » surtout !
Au coeur de ces cercles émaillés, « Aperto libro », on trouve, réunis, des noms de grande noblesse et de toute petite paysannerie...
C’est la pérennité d’un petit coin de France...
De Bouvines à Verdun, de Rocroy au chemin des Dames... et de l’ordre de Saint Louis au Mérite agricole... et pour le dernier mot aux paysans, disons qu’il n’y a jamais eu longtemps de jachère dans nos cimetières...
Et que dites vous, chère Église, de cette farandole de noms : de Barbarin, Arrouet, de Behagle, Joyeux, Maingeis de Bourguesnon, Forestier, Dutartre de Bois Joly, Vigneron, de Ruffray, Dupon, de Gregueil, Couturier, de Saint Martin, Maisongrande, etc... etc... ?
- L’Église : (qui tourne à la violette) Hum, Hum !
- Saint Pierre : (à son secours)
Bon cher chroniqueur, je dois quitter bien vite la Tardoire pour le Tibre ! Veiller sur le repos de mon infatigable pèlerin... Je vous laisse à vos rêves. Mais si leur expression peut conduire le plus grand nombre à notre belle église, je vous en remercie ! Dites leur de venir nombreux à Rancogne ! Et avant de retourner « Ad limina apostorum » je vous souhaite bonne chance pour toutes les autres églises. Restez donc « Totus in illis »
- Le Chroniqueur : Merci « Ab imo pectore », et, pour aujourd’hui « Acta est fabula »

N.D.L.R. Vous trouverez, dans ce texte, un certain nombre de citations latines, contrôlées et approuvées par Saint Pierre. En souriant celui-ci m’a rappelé que vous trouveriez les clefs dans les pages roses du dictionnaire de Pierre... (Larousse !) et ne nous en voulez pas car « Abusus non tollit usum »


Carte de la paroisse Saint Augustin en Tardoire et Bandiat

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