Toutes les présentations des églises ont été écrites pour le journal du Doyenné Tardoire et Bandiat, entre octobre 2001 et août 2005, par Monsieur Sylvain Deschamps.
L’église Saint Antoinde de Souffrignac
Nous nous retrouvons à Souffrignac, par une de ces belles matinées d’hiver, d’un calme absolu et d’une grande luminosité. Sur le parapet dominant le Bandiat, tout près et tout en bas, se trouvent réunis l’église-hôtesse, en tenue n°1, Saint Antoine, épanoui, et le chroniqueur, son pigeon « Pierrot » sur l’épaule, tout heureux et détendu.
Le Chroniqueur : En dehors du fait d’être très honoré, vous n’imaginerez jamais, Cher Saint Antoine, « combien je suis content, content, content… » Bien sur la formule est un peu niaise, mais elle est grand public ; et elle traduit le très grand bonheur que me procure cette rencontre avec l’un des Saints les plus importants du répertoire.
Saint Antoine : Pas trop de violon, s’il vous plait ! Mais, dites moi, le présence de Pierrot Pigeon voudrait elle dire que...
Le Chroniqueur : Pas du tout. Nul besoin de ses talents plus ou moins avouables. Nous sommes ici en pays ami, et entre gens de bonne compagnie. Ne dit on pas, du reste, qu’ici l’église est bien aimée… Et Pierrot Pigeon n’est ici que pour transmettre son bonjour à votre ami Saint François. Et nous retrouvons ici, avec plaisir, l’église-hôtesse ...
L’Eglise-hôtesse épanouie : Je suis votre servante, Monsieur le Saint, et vous aussi, Monsieur le chroniqueur.
Le Chroniqueur : Je me réjouis d’abord que le « petit dernier » des Saints de notre Doyenné ce soit vous, Saint Antoine. En effet, je vais retrouver pour l’ultime église (Vouthon) votre ami Saint Martin qui est un familier du journal, et vous êtes donc le dernier que j’ai à présenter à nos lecteurs.
Saint Antoine : Puisque c’est la règle du jeu !...
Le Chroniqueur : Je termine donc par l’un des Saints des plus connus et des plus abordables… Il y a des Saints un peu inaccessibles (Paul, Pierre), des méconnus, des locaux, les petits Saints besogneux chers à Brassens, des Saints à vocation précise (Saint Rémy) mais peu d’universellement familiers comme Saint Martin et vous. Laissez moi donc vous présenter à nos lecteurs. J’ai reconstruit votre geste à partir des innombrables histoires des Saints, Vies des Saints, Saints du Calendrier, et surtout du livre du Franciscain le Père Sophronius Clasen.
SAINT ANTOINE
Saint Antoine est né à Lisbonne en 1195. Rude époque ! Philippe Auguste en découd avec Richard Cœur de Lion qui viendra mourir, en 99, dans notre Limousin tout proche que le Saint fréquentera également. Il meurt à Padoue en 1231. Rude époque ! Henri III d’Angleterre est revenu en France pour reconquérir des possessions qu’il considère comme siennes. Une vie de moins de quarante ans très riche, très dense. C’est tout à fait le Saint du monde chrétien et méditerranéen : Portugal, Sicile, France, Italie et surtout Vénétie. Il tentera bien une percée au Maroc, à Ceuta, mais ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre !… En dehors de cette « excursion », le Saint, originaire d’une famille noble, a un parcours que l’on suit assez facilement. A 16 ans, chez lui, il entre au couvent des chanoines réguliers de Saint Augustin à Saint Vincent. Deux ans plus tard il entre à Sainte Croix de Coïmbra, fondation royale et foyer de culture intellectuelle. Peut être trop de richesse, pas assez de sainteté… Toujours est il qu’il se rapprochera des frères mineurs qui se regrouperont au début autour de Saint François à Assise, et dont certains viendront s’établir à Coïmbra. Le martyre de cinq d’entre eux entraînera sa décision. En 1220, il quitte les chanoines réguliers, qui le regrettent, pour devenir frère mineur et à cette date l’année de probation fut imposée à l’ordre de Saint François. Jusque là il s’était appelé Ferdinand, il devient Antoine ! Nous suivons son parcours : Messine en Sicile, Assise à la Pentecôte le 30 Mai 1221, l’ermitage de Forli où sa santé déjà fragile s’abîmera dans une grotte où il allait prier.
(N.D.L.R : En pensant à Saint Martial, Saint Cybard et tant d’autres, on ne peut faire que sienne cette phrase de Michel Audiard : « c’est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases, et chez les Saints ce besoin de se réfugier dans des grottes !… »).
Ensuite, il vient enseigner la théologie à Bologne et à Padoue. Puis il y aura deux ans environ de séjour en France : Montpellier, Toulouse, Le Puy, Solignac(la porte à coté), Châteauneut La Forêt (apparition de l’Enfant Jésus), Bourges (le miracle de la mule), Saint Junien, Limoges (le miracle de la bilocation), Brive, implantation de l’ordre dans des grottes (encore !). Puis il regagne l’Italie en ayant reçu le surnom de « Marteau des hérétiques » tant sa prédication avait été efficace.
Ce sera le temps des écritures : Sermons pour les dimanches, sermons pour les Fêtes et des Prédications en plein air, devant 30.000 personnes. Pour rejoindre son ami Saint François ce sera la prédication aux poissons et pour la beauté du geste ou par goût bucolique, il se fait installer un abri dans un noyer. Il s’éteindra le 13 Juin pour être canonisé très vite en 1232 par Grégoire IX et proclamé Docteur de l’Eglise par Pie XII en 1946 ! Bien sur la vie de Saint Antoine regorge de hauts faits :
- Les miracles, dont trois d’une dimension inhabituelle :
- La bilocation : tout près de chez nous, à Saint Pierre du Queyroux à Limoges : il prêchait à cette église lorsqu’il apparut simultanément dans le couvent pour la lecture de la leçon qui lui était réservée.
- Toujours en Limousin, on le retrouve avec un enfant dans les bras auquel on ne peut qu’attribuer la personnalité de l’Enfant Jésus.
- Allez à Chantilly, au musée Condé pour y voir le miroir historial représentant le miracle de la mule : la conversion d’un hérétique. « L’homme, un juif nommé Guillard, niait la présence du Christ dans l’Eucharistie. Il abjura son erreur à la vue de sa mule qui, négligeant son picotin d’avoine, s’agenouilla devant l’hostie consacrée. »
- Les surnoms qui s’attachent à Lui : le « Marteau des hérétiques », « IL SANTO », (LE SAINT tout simplement), le Saint des objets perdus (encore une fois c’est près de chez nous, à Brive, qu’il récupéra son manuscrit perdu-retrouvé).
C’est, à la fois, un Saint immensément populaire et un Docteur de l’Eglise !
Le « Docteur Évangélique », l’homme des Sermons, l’homme du Noyer. Cela fait beaucoup pour un seul homme et « on ne m’enlèvera pas de la tête » que le Bon Dieu a laissé glisser sur lui une grâce particulière… Alors, qu’en pense IL SANTO ?…
Saint Antoine : Le résumé est parfaitement véridique… et la présentation parfaitement subjective. Mais je ne saurais m’en plaindre !…
L’Eglise-hôtesse intervenant : Maintenant, Monsieur Le Chroniqueur, parlez nous de mon église. Vous en savez plus que moi !
Le Chroniqueur : Pas si sur… D’autant plus que votre intérêt manifeste souligne bien que vous n’êtes pas une église- hôtesse potiche. Alors, allons y, en partant des faits vraiment connus :
Vers la fin du 12ème siècle, l’église fut construite, ou reconstruite, sur la décision de l’abbaye de Grosbot toute proche. On en trouve le descriptif sommaire suivant : « La nef, précédée d’une travée sous le clocher, ainsi que le faux carré ont perdu leur berceau, que remplace un tillage. Le chœur, très court, à fond plat, a conservé son berceau. Deux fenêtres éclairent la nef et le carré et trois autres l’abside. Le clocher barlong a deux baies en plein cintre au Nord et au Sud, deux petites sur les autres côtés et un toit à quatre pans. La porte, au Nord, en plein cintre, est à trois voussures, sur colonnes.
En poussant des recherches sur le monde spécifique des églises romanes, on insiste sur le fait que c’est une église à chevet droit, sur les personnages agenouillés que l’on retrouve souvent dans les églises de la vallée du Bandiat, sur le très beau clocher sur l’axe de l’église (ici sur plan barlong) ce qui permet d’être bien en vue sur la façade.
Maintenant abandonnons les textes officiels pur une approche plus personnelle.
D’abord, cette église, il faudrait la voir « d’en haut ». Cette élégante façon dont elle s’imbrique dans ce qui semblerait un jeu de construction, avec l’ancien presbytère, le cimetière et les granges attenantes. On en a une petite idée en arrivant dans le bourg, par en haut. L’idéal est d’avoir pris le « routinou » au sortir de Montbron et à travers bois… On arrive à une maison garde barrière… devant, en hauteur, tout là haut, l’église… Pas de fin clocher pour se mirer dans l’eau pure de la rivière Bandiat… Mais le petit pont qu’il suffit de passer, la grimpette avec un bonjour aux ruches, un salut à de graciles-mais robustes carcasses métalliques - mais agricoles - et la place élégamment dégagée, et cette boite de LEGO que constitue, à droite l’église, le cimetière, etc… Cette terrasse devant l’unique entrée, latérale, ce qui est rare, est très photogénique.
Et puis, la visite s’impose. Il faut dire qu’ici tout est propre, clair et net (sans parler de l’éclairage électrique particulièrement réussi).
C’est ici qu’il est très difficile d’exprimer ce que l’on ressent. C’est encore une fois, très subjectif… L’église est propre, mais plus que propre. Elle est balayée, mais plus que balayée. Pour parler familièrement, on sent que le torchon de la ménagère s’est attardé un peu plus que prévu, avec amour, avec la petite tape amicale et le sourire attendri avant de refermer la porte derrière soi.
Alors, évidemment, quand on l’ouvre, cette porte, on se sent tout de suite bien, et bien disposé pour apprécier…
On a laissé une façade en pierre sablée pour trouver un intérieur tout blanc et, comme on se sent bien aux épaules, on lève les yeux, pour trouver une voûte en bois chaud, « à l’identique ». Bien sur nous sommes loin de la mer, mais on pense à ces voûtes de marine. On réalise l’élégance d’ensemble des deux nefs, entre l’élégante simplicité de la première et l’élégante complexité de la seconde, où se trouve le dessin de la porte d’origine donnant sur le cimetière actuel et sans doute définitif. On salue la chaire, intelligemment conservée, et l’on s’amuse de l’autel, gris lumineux avec ses incrustations en fil doré. Mais d’où peut venir cette lointaine ressemblance avec les pierres du Rajasthan ? Les filiations artistiques sont impénétrables. On oubliera le chemin de croix (1847) malheureusement incomplet pour se recueillir devant la petite statue de la Vierge, avec ses deux anges en surplomb. Petit bijou qui évoque le naïf espagnol. Là aussi… les filiations artistiques…
De nouveau on « lève le nez » et on trouve deux clefs de voûte marquées du « lion-léopard » de Richard Cœur de Lion. Évidemment, rien ne le prouve… Mais nous sommes près du Limousin déjà évoqué ! Alors… pourquoi pas ?
(N.D.L.R : on ne visite pas la Sacristie. C’est dommage. C’est à notre connaissance la seule « double » Sacristie : Une pièce classiquement pauvre, et derrière, une autre petite pièce, bâtie sur une cave cellier ! Avec une cheminée de marbre… s’agissait il d’une sacristie garçonnière ?…)
Et enfin, ce qui force l’admiration, sans extrapolation : les fonts baptismaux. Ceux de Souffrignac sont des plus classiques : auge à plan rectangulaire et à parois verticales mais ici on le signale comme très important : « la plus intéressante, la moitié inférieure est abattue en tronc de pyramide ; la partie supérieure est richement décorée, de têtes humaines aux angles, et de rinceaux dessinant, sur la face antérieure, deux encadrements curvilignes, dans lesquels sont un lion et un aigle, rappelant probablement Saint Marc et Saint Jean. Dans ce cas, la face opposée, adossée au mur et invisible, porterait les deux autres bêtes de l’Apocalypse, l’ange et le bœuf. »
Que pensez vous de cette visite, chère église-hôtesse ?
L’Eglise hôtesse : Je vous remercie. Je ne pense pas que, vu l’absence de documents, on puisse aller plus loin.
Pigeon Pierrot : Moi je trouve que cela manque de pigeons… On devrait en parler à Saint François.
Le Chroniqueur : Taisez vous, ami Pigeon. Saint François serait heureux ici. A Souffrignac on trouve les animaux, les légumes, les fruits. On y trouve un équilibre qui pourrait laisser croire que le temps s’y est arrêté. Or, il n’en est rien. Il y a une vraie vie, et aussi un certain art de vivre. Regardez tout autour de vous, donc tout autour de l’église… Le chemin botanique qui se dessine, les ruines du gué en contre bas, les grottes (encore) à explorer, ne serait ce que sous l’église, et cela continue vers Feuillade, vers Marthon… Sous cette belle grange des Jardins du Bandiat et le jour de la Saint Maurice, on pourrait peut être organiser un déjeuner à la vénitienne, en votre honneur, Saint Antoine. Au menu :
Comme entrée :
Un peu de Bottarga, arrosé de Breganze.
En principal :
Una polenta e « osei ».
¨
Pierrot Pigeon : Non, non, et non , je vous en supplie. Osei : cela veut dire petits oiseaux.
Le Chroniqueur : Tu as raison : plutôt de la baccalà à la vicentina, avec du blanco de Conegliato et des baicoli pour terminer; avec du Moscato d’Arquà… Est ce que cela vous tente, Saint antoine ?
Saint Antoine : Euh !…
Le Chroniqueur : Oh ! Pardon… j’avais oublié… la tentation !
Saint Antoine : Effectivement, cela suffit pour aujourd’hui. Ne me gâchez pas ma journée… parce que vous savez, la « Tentation de Saint Antoine », j’ai déjà donné !!!
Sylvain Deschamps.
N.B. Précisons :
- Les plats évoqués ci dessus, et les vins les accompagnant sont typiques de la Vénétie, dont Padoue est un des chefs lieux.
- Nous recommandons à nos chers lecteurs de lire, ou relire la « Tentation de Saint Antoine » de Gustave Flaubert qui est un admirable texte d’une conception très originale.
- Enfin, cette fameuse Tentation a inspiré de célèbres tableaux à des peintres comme Bosch, Le Tintoret, Véronèse, Brueghel entre autres.
Nos coordonnées
Prieuré Marie Médiatrice
7, Faubourg Saint Maurice - 16220 Montbron
Tél. : 05 45 70 71 82
Prebytère de La Rochefoucauld
17, place Saint cybard - 16110 La Rochefoucauld
Tél. : 05 45 63 01 24
Courriel : paroisse.saintaugustin@dio16.fr
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