L’ÉGLISE SAINT CAPRAIS D’AGRIS ou... DU CASQUE A LA MITRE
Poursuivant notre cheminement à travers les églises du Doyenné, et d’une paroisse l’autre, nous nous retrouvons aujourd’hui à Agris, reformant un trio de base : le Saint, l’Église et le Chroniqueur.
L’Église semble manifester une certaine excitation.
L’Église : aux deux autres : Je suis bien contente de vous voir car, là, vraiment, j’en ai raz le casque !
Saint Caprais et le Chroniqueur, ensemble : Eh bien, que voulez vous dire ?
L’Église : Je veux dire... que vous, cher Saint Caprais, vous allez sans doute inspirer notre chroniqueur, afin que l’on parle un peu de l’Église d’Agris car jusqu’à maintenant on parle ici de Fosse mobile, de Fosse limousine, de grottes, d’Âge de bronze, de chasseur de loups, mais surtout du Casque d’Agris, encore du Casque, toujours du Casque... mais jamais de l’’Église.
Alors, même si cette oeuvre humaine est beaucoup plus ancienne que moi, on ne l’a découverte qu’en 1981, alors que je suis ici depuis des siècles...
Saint Caprais : On ne saurait le nier.
Le Chroniqueur : Je dirais même plus ! On ne saurait le nier... Mais, rassurez vous, je suis venu pour vous, rien que pour vous .
Saint Caprais : Bon, alors, je vous laisse...
Le Chroniqueur : Ah non ! Pas tout de suite ! Il est déjà très difficile de vous rencontrer. Alors, avant que vous ne disparaissiez trop vite dans votre modestie de violette, laissez moi évoquer votre vie pour nos lecteurs.
Saint Caprais : Puisqu’il le faut !
Le Chroniqueur : Retrait et Discrétion sont vos principes. Aussi bien, à Agen où vous êtes honoré comme le premier évêque, vous laissez toute la gloire à Sainte Foi (qui en est certes digne) dont on honore les reliques alors que les vôtres sont oubliées. Les seuls qui prétendent vous avoir vu sont les rugbymen du SU Agen, à la fin des grandioses troisièmes mi-temps qui concluent leur victoire en championnat de France. Mais, évidemment, ce sont là des témoignages un peu aléatoires...
Disons également que votre existence n’est officiellement proclamée que dans le martyrologe chrétien « En Gaule, dans la cité d’Agen, Saint Caprais, martyr », et dans l’histoire des Francs de Grégoire de Tours qui nomme incidemment la basilique Saint Caprais d’Agen. Enfin, permettons nous de citer in extenso « La Vie des Saints » :
« D’après la célèbre Passion de Sainte Foy et de Saint Caprais, Caprais, qui s’était caché dans une caverne au nord d’Agen vint se présenter au juge quand il eut vu un ange poser une couronne sur la tête de Sainte Foy étendue sur un gril. Florus, dans son martyrologe écrit que Caprais fit jaillir une source du rocher et que c’est ce miracle qui le décida à s’exposer au martyre. Cruellement déchiré, Caprais resta inébranlable dans sa foi ;
conduit avec Foy au temple des idoles, ils refusèrent de sacrifier et furent décapités ». Il semblerait que, depuis cette date, vous laissez toute la gloire rejaillir sur Sainte Foy alors que votre église est devenue cathédrale depuis le Concordat de 1801.
Est ce que cela vous convient, cher Saint Caprais ?
Saint Caprais qui semble souffrir un nouveau martyre : Oui, oui, oui... Maintenant passons à l’église, s’il vous plait !
Le Chroniqueur : Allons y !
Cette fois, l’historien Jean Georges, généralement peu inspiré par notre doyenné, veut bien vous consacrer une demi page et un plan détaillé indiquant clairement les parties du XII et du XVIème siècles.
Pierre Dubourg Noves, le meilleur historien de la Charente, écrit à votre sujet : « L’Église, la belle église romane, devient le point de ralliement de tous les « feux » épars dans les écarts ou groupés dans les villages ».
On pense qu’à la fin du monde gallo romain, et d’après Léon Bertrand, un oratoire dédié à Saint Caprais fut la première construction religieuse ici implantée. Passeront ensuite Arabes et Normands « dans un chassé croisé de populations et de cortèges monastiques fuyant les guerres de partisans ou les pirates ». La première église connue, au 12ème siècle, dépendait du prieuré Saint Florent de la Roche, filiale de l’abbaye bénédictine de Saint Florent les Saumur, et fut une des premières à se couvrir d’une voûte de pierres.
Pendant la guerre de cent ans, et sous domination anglaise, l’église devint le refuge de la population et son architecture s’en trouva modifiée avec quelques « remaniements inesthétiques » : exhaussement des murs gouttereaux, remontée du toit pour que la population se réfugie sur les voûtes, percement de meurtrières, etc...
Arrivent ensuite les guerres de Religion, où La Rochefoucauld devient centre important de Protestantisme et l’église n’a certainement pas échappé au massacre, pas plus que la croix de La Tuilière, autre monument religieux d’importance.
En 1791, le curé d’Agris, Guilhaud Ducluzeau, n’ayant signé son serment qu’avec réticence, fut exilé, déporté en Espagne, et remplacé par Barthélémy Bricaille, qui signa tout ce qu’on voulut.
On entre ensuite dans ces années « troublées » où les Hébertistes voulaient déchristianiser la France, où la Fête de la Raison eut lieu dans l’église devenue temple décadaire, entraînant même l’abdication de Barthélémy Bricaille, où l’église fut pillée « dans les règles », où la corde de la cloche fut déposée, etc., etc... Il n’y eut pourtant pas (trop) de massacres et à partir du Directoire, une transition assez calme fut assurée par un certain Pierre Devillemandy « instituteur assurant les fonctions ecclésiastiques ». Cela durera jusqu’à la fin de l’Empire et Devillemandy finira Curé à La Rochefoucauld. Paradoxalement c’est sous la Restauration que certaines dépendances acquises seront récupérées par la Commune et que le cimetière sera déclassé.
Plus tard, à la Séparation de l’Église et de l’Etat, l’inventaire des biens de la fabrique n’apportera que très peu à ce dernier ! Et le vingtième siècle
confirmera les relations apaisées et équilibrées qui se sont installées depuis cette date.
Voici donc, chère Église, l’histoire de votre vie. C’est, au fond, un parcours assez traditionnel mais, tel qu’il est, il est justement représentatif d’une permanence chrétienne de 15 siècles au minimum, ce qui n’est tout de même pas mal...
L’Église : Autant qu’il m’en souvienne, cette histoire est fidèle. Il y a, bien sur, des périodes qui restent floues mais j’ai aussi, parfois, la mémoire qui flanche. Alors, pour me faire plaisir, faites moi donc une présentation un peu plus personnelle, affective, subjective...
Le Chroniqueur : Allons y ! C’est reparti ! On pourrait dire : Saint Caprais, tout le monde descend !... Tout le monde descend cinq marches pour entrer dans l’église ! Mais non ! Pas de précipitation ! Prenons du recul !
Arrêtons nous entre le monument aux morts et l’école... La meilleure vue... par exemple un après midi de Mai, à l’heure de la récréation, à l’heure où le temps semblerait suspendu, si ce n’étaient les cris des chères têtes blondes...
Sobre et massive, l’église inspire confiance. Bien assise et même un peu enterrée, sans doute à cause de la déclivité du terrain... Voilà un monument sans esbrouffe, du solide...
Pour encore la consolider, des contreforts partout !
Deux sur le mur nord, encadrant deux constructions, l’escalier dont nous reparlerons et la sacristie toute menue, menue...
Quatre contreforts en glacis sur la façade (deux près des angles et deux encadrant le portail), plus encore deux contreforts en retour de façade au sud, et un au nord.
Et, sur le mur sud, encore deux de chaque côté de la chapelle latérale. Sur la façade un bandeau à modillons nus et, au dessus, un frontispice en muraille.
Pour la décoration, même sobriété : un portail à trois rouleaux dont deux retombent sur des colonnettes à chapiteaux. Pour égayer tout cela, un cordon en pointes de diamant pour border le portail.
Mais... que vois je au bout du cordon, à gauche ? Une tête humaine de forme allongée et étroite, les yeux mi-clos, aux cheveux partagés par une raie médiane, à la barbe courte ! ? Mais c’est vous, Saint Caprais ! Nous vous reconnaîtrons dans le grand vitrail du choeur (sauf que là, vous aurez une longue barbe !).
Et maintenant, l’intérieur.
Une nef unique, sans transept, typique des églises rurales romanes ; et le côté robuste de l’extérieur se retrouve à l’intérieur, avec quatre travées couvertes d’un berceau en plein cintre. On se sent en sécurité, à l’abri surtout lorsqu’on pense à son rôle de refuge fortifié pendant la guerre de cent ans. C’est cela, vous êtes une église refuge, on s’en doutait dehors, on le ressent dedans.
Tout de même quelques éléments de décoration :
- Les chapiteaux de la nef : assez simples, parfois ornés de volutes, parfois de motifs floraux évoquant la coquille Saint Jacques.
- Les culs de lampe du choeur et de la chapelle latérale, un homme assis les jambes croisées, un monstre mangeant la jambe d’un homme, une tête de femme avec un écusson... nous sommes là à la fin du 12ème siècle.
- Le bénitier, objet mobilier classé avec une cuve ornée de cannelures en forme de pétales.
- Les fonts baptismaux, avec également un décor de cannelures.
- Le retable de la chapelle en bois peint avec de petits personnages, du 17ème siècle, dont l’ornementation très recherchée tranche avec la sobriété de l’église...
Et puis, et puis... si toutes les églises sont belles (encore faut il savoir les regarder) chacune, pratiquement, a son image de marque, son petit jardin secret...
Chez vous il faut savoir, et oser, pousser la petite porte à gauche des fonts baptismaux ; il faut savoir, et oser, monter la trentaine de marches pour se retrouver dans cet immense refuge (encore) en dessus de la voûte et au dessous du toit. C’est là votre petit coin de paradis... Ce sera le nôtre... On peut s’y protéger des Anglais, ébouillanter les Normands, repousser les Parpaillots... on peut rêver...
Quelques marches plus haut, à côté de la cloche, on découvre la plaine que le Bandiat recouvre souvent de ses nappes avant que celles ci ne disparaissent mystérieusement, pour les étranges noces de la Tardoire et du Bandiat, dont nous avons parlé à La Rochette.
Alors, chère église, qu’en pensez vous ? Vous voyez bien que vous pouvez faire rêver... en plus de prier ?
L’Église : J’en suis toute réconfortée ! Merci... « Il y a au moins quelqu’un qui m’aime... »
Le Chroniqueur : Et puis, un dernier conseil.. d’ami ! « Les jours de vague à l’âme et de mélancolie », si vous êtes obsédée par LE casque, regardez le bien... Imaginez le plus haut, plus plat, plus triangulaire et cela vous donne...la mitre de notre évêque, venu bénir les fidèles... et vous ne voyez plus que cela... la mitre épiscopale a chassé la coiffure du guerrier... Vous voyez... Comme disait Trenet dans son « Jardin extraordinaire : Il suffit pour çà d’un peu d’imagination... »
L’Église : Merci... J’avais oublié... La part du rêve. J’en souris d’avance...
Raz le casque... et Vive la Mitre !
Sylvain Deschamps
Nous tenons à remercier très sincèrement le Colonel (E.R.) Jean Delahaye qui a mis à notre disposition les deux livres écris par Mme M. Delahaye, sa mère, et lui même et consacrés à Agris. Nous y avons pioché hardiment toute la base technique de cet article. Nous en conseillons vivement la lecture, pour Agris bien sur, mais aussi parce qu’ils peuvent servir d’exemple pour écrire l’histoire d’une commune par la richesse de la documentation et la clarté de la présentation.
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